Développer les compétences marketing grâce au test and learn

Le test and learn pour faciliter la transformation numérique des entreprises.

Un professionnel représente une courbe croissante avec des kaplas | Dauphine Executive Education

La numérisation croissante des activités et des processus engendre une complexité grandissante à gérer pour les entreprises. Cependant, la transformation numérique contribue aussi à faire émerger de nouveaux outils et favorise des pratiques pour faire face à cette complexité. L’une d’elles est le test and learn, qui connaît un intérêt croissant de la part des organisations. Si les GAFAM ont contribué à la démocratisation de cette pratique, de nombreux autres groupes s’y intéressent également.

Dans l'ouvrage L’état du management 2021, Thibaut Barbarin et Pierre Volle évoquent cette pratique du test and learn, qui peut s’avérer décisive dans le développement de l’entreprise.

Qu'est-ce que le test and learn ?

Le test and learn consiste à tester une nouvelle offre (service ou produit) auprès de clients et de la modifier de façon itérative en intégrant les avis de ces clients au fur et à mesure du processus de développement.


Quels sont ses avantages ?


Le premier avantage du test and learn est de faciliter le travail d’innovation, en améliorant la qualité du résultat final. En effet, le processus d’allers-retours entre conception de l’offre et confrontation avec les clients permet de faire émerger de nouvelles idées, de renforcer les solutions envisagées, mais aussi de limiter les risques d’échecs au moment du lancement.

Le second avantage du test and learn est de constituer une approche alternative à la gestion traditionnelle des projets d’innovation. Par un excès de recherche d’efficience, l’effort d’innovation se réduit la plupart du temps à des excursions dans un périmètre déjà connu, alors qu’une gestion ambitieuse de l’innovation doit permettre l’exploration de nouvelles pistes, en adoptant une posture nouvelle.

À cet égard, la pratique continue du test and learn permet l’adéquation des offres aux usages des clients, la bonne gestion des échecs et un management basé sur les faits.

Lorsque cette pratique est associée à la gestion des apprentissages dans le temps et à un état d’esprit entrepreneurial, de nouvelles compétences collectives peuvent émerger, enrichir le processus d’innovation et aider ainsi l’entreprise à mieux s’adapter à son environnement.

Le test and learn procure un avantage à court terme, en aidant l’innovation, et un avantage à long terme en permettant l’émergence de compétences collectives différenciatrices. Il permet de résoudre la complexité liée à la transformation numérique à différents niveaux : en facilitant le travail d’innovation et en favorisant l’adaptation permanente de l’entreprise, de ses compétences, de ses processus, voire de son modèle d’affaires.

Finalement, c’est probablement l’impact sur les compétences qui est le plus crucial pour l’entreprise. En effet, un manque croissant de compétences, notamment au sein des équipes marketing, est constaté par divers experts et ceci va limiter drastiquement les capacités d’évolution de l’entreprise, notamment l’adaptation de son modèle d’affaires. Si le manque de compétences débute au niveau individuel, il ne se limite pas à cela. Ce sont souvent les compétences collectives qui sont à rénover ou à concevoir, de façon à pouvoir utiliser l’ensemble des moyens mis à disposition par le numérique. L’émergence de compétences collectives est l’une des conséquences essentielles du test and learn.

Décider du bon type de test 


Si de nombreux articles décrivent les bienfaits du test and learn sur le processus d’innovation, la diversité et l’impact des tests sur la montée en compétences sont méconnus. Il en existe en effet un grand nombre : des tests uniques qui portent sur l’optimisation d’une page web aux tests qui portent sur le modèle d’affaires complet d’une entreprise. Ces tests peuvent aussi être faits en série, avec pour ambition d’élaborer la solution en cocréation avec de futurs clients.

La configuration de lancement des tests peut être relativement simple ou faire appel à des protocoles sophistiqués. Devant une telle diversité, beaucoup d’entreprises ne savent ni quel type de test choisir par rapport à leur problématique ni quel type de ressources mobiliser.
 

Des grilles de lecture pour décrire les types de test and learn


Pour répondre à cette question, nous avons souhaité catégoriser les tests existants en commençant par une étude sur le terrain en interrogeant des experts de la transformation digitale pratiquant ou déclarant pratiquer le test and learn. Après analyse des entretiens, la première découverte est qu’il y a finalement assez peu d’entreprises qui pratiquent “réellement” le test and learn. Beaucoup le voudraient, mais la plupart n’en ont pas les moyens. Ceci s’explique par un manque de ressources ou de compétences, mais aussi par une culture inadéquate. À cela s’ajoute une grande difficulté à concevoir l’étendue de la pratique. Notre étude sur le terrain a confirmé l’intérêt à développer des outils destinés à structurer les types de pratique existants. Pour aider les entreprises à appréhender la diversité des tests, nous proposons deux grilles de lecture complémentaires, une taxonomie et une typologie, structurées chacune autour de deux dimensions.

La taxonomie émerge de l’analyse des entretiens d’experts et présente des cas typiques, avec ou sans cocréation avec les clients d’une part, avec ou sans approche exploratoire d’autre part. Par exemple, le projet de transformation des bureaux de poste a été conduit avec une approche exploratoire et en sollicitant des clients internes pour cocréer la solution. À l’opposé, le test de l’emplacement du prix sur le site web d’une compagnie d’assurances ne nécessite pas d’approche exploratoire, ni de cocréation avec les clients. L’état de maturité de l’entreprise sur le test l’orientera d’abord vers des tests simples (exploration faible, pas de cocréation) avant de l’orienter vers des tests plus sophistiqués en termes d’exploration (forte ambition du test) ou de cocréation (implication des clients).

La typologie, qui découle de l’analyse des recherches publiées ces dernières années, distingue les tests selon qu’ils sont réalisés avec ou sans itération d’une part, et selon le périmètre (étroit ou large) d’autre part. Par exemple, le moteur de recherche Google publie régulièrement le nombre d’itérations faites chaque année. Ce nombre est impressionnant, car à cinq chiffres, et en progression (six chiffres). Néanmoins, le périmètre est plutôt étroit puisqu’il s’agit d’améliorer l’expérience client. En proposant ainsi deux cadres pour catégoriser les pratiques, cette étude apporte aux entreprises une grille de lecture pour initier et déployer plus aisément des pratiques de test and learn pertinentes par rapport à leurs contextes marketing et organisationnels propres.

A propos des auteurs
 

Thibaut Barbarin est enseignant à l’Université Paris Dauphine-PSL, co-responsable de l’Executive Mastère Spécialisé® Management stratégique de l’information et des technologies (avec MINES ParisTech-PSL) et responsable pédagogique du Diplôme d'Université en Intrapreneuriat et transformation numérique CFEE (avec Web School Factory).

Pierre Volle est professeur des universités à Dauphine-PSL et responsable du parcours Chef de produit et études marketing dans le Master Marketing & Stratégie.


Par les mêmes auteurs

  • Le chapitre complet "Développer les compétences marketing grâce au test and learn" est consultable dans l'ouvrage "L’état du management 2021", Synthèse annuelle du laboratoire Dauphine Recherches en Management (DRM), éditions La Découverte.
  • Vidéos de présentation des 6 chapitres du livre.