Deux dirigeantes réinventent le textile français grâce au modèle coopératif

Elles sont deux femmes à la tête d’entreprises emblématiques du textile français, toutes deux transformées en SCOP pour préserver un savoir-faire et défendre une vision collective de l’entrepreneuriat. Clémence Royer-Cachot, Présidente de Velcorex, et Valentine Fanjeaux, PDG de Bergère de France, partagent leur expérience, leurs défis et leurs convictions.
De l’ingénierie textile à la reprise d’entreprise
Clémence, ingénieure chimiste, a rejoint Velcorex en 2013. Rapidement impliquée dans l’organisation et la gestion globale, elle en est devenue Présidente en 2023, lors de la reprise de l’entreprise sous statut coopératif.
« La possibilité pour chacun de posséder une partie de notre entreprise et d’y être complètement impliqué me paraît toujours aussi incroyable. »
De son côté, Valentine a intégré Bergère de France il y a plus de dix ans, après l’ITECH, et a gravi les échelons jusqu’à la direction de la production. En 2024, elle devient PDG lors de la transformation en SCOP.
« Il n’était pas concevable de perdre une telle perle. Bergère de France fait partie de la vie de la région et incarne un savoir-faire unique. »
L’esprit SCOP : une gouvernance partagée
Velcorex, entreprise alsacienne bientôt bicentenaire, est reconnue pour ses velours et tissus chaîne et trame destinés aux maisons de mode haut de gamme et de luxe. Bergère de France, ancrée à Bar-le-Duc, produit des fils à tricoter, conçoit ses propres collections et cultive un lien fort avec ses clients à travers le DIY.
Toutes deux insistent sur le rôle structurant de la gouvernance coopérative. Clémence précise : « Une équipe dirigeante gère le quotidien, les décisions stratégiques sont validées par le Conseil d’administration et expliquées au CSE. La transparence est essentielle, tout en respectant le rôle de salarié de chacun. »
Valentine ajoute : « Je sollicite davantage l’avis des collaborateurs sur des choix de production. Cela permet d’impliquer chacun et de valoriser des savoirs parfois acquis depuis des dizaines d’années. »
Les réalités du terrain
Si le modèle coopératif fédère, il s’accompagne aussi de défis. Le recrutement reste un enjeu majeur pour Velcorex : « Nous avons du mal à trouver des personnes assidues et impliquées. Cela fragilise l’équilibre car nous ne pouvons pas avoir de doublons partout. » explique Clémence. La modernisation des machines et la gestion énergétique font aussi partie des priorités.
Chez Bergère de France, la difficulté est ailleurs : « Les événements se sont enchaînés à grande vitesse depuis la création de la SCOP. Aujourd’hui, il faut consolider les bases et prendre le temps d’expliquer, car toutes les demandes ne peuvent pas être mises en action immédiatement. » Un défi qui implique d’équilibrer la dynamique de changement avec la stabilité nécessaire à la production.
Le rôle du Diplôme d'Université Parcours SCOP de Dauphine Executive Education
Pour assumer leur rôle de dirigeantes, toutes deux ont suivi le Diplôme Business Management SCOP de Dauphine Executive Education.
« Avec le changement de statut, je voulais intégrer les spécificités liées aux SCOP et valider officiellement ce que j’avais acquis sur le terrain », explique Clémence. « La formation me permet de légitimer mes décisions et de gagner en confiance. »
Valentine y a trouvé un complément essentiel à son bagage technique : « Je suis ingénieure textile, donc peu familière des domaines comme la comptabilité, les RH ou le droit du travail. Dauphine propose une approche complète qui nous permet d’agir plus sereinement au quotidien. » Elle retient notamment un cours sur l’Holacratie, « un système de management non transposable tel quel chez nous, mais qui ouvre l’esprit et donne des pistes concrètes à adapter. »
Toutes deux soulignent aussi l’importance des échanges entre pairs : « Pendant et entre les sessions, nous nous conseillons et nous encourageons », confie Clémence.
Une vision tournée vers l’avenir
Velcorex ambitionne de renforcer sa place dans le textile haut de gamme tout en explorant de nouveaux marchés. « Je suis convaincue du “consommer moins mais mieux” depuis des années. » Bergère de France veut consolider son univers DIY et développer des partenariats pour fédérer un réseau de fabricants made in France.
Toutes deux partagent la conviction que l’avenir du textile repose sur l’innovation responsable et la coopération. Leur vision s’ancre dans un équilibre entre tradition et modernité, avec la volonté de préserver des savoir-faire uniques tout en répondant aux attentes d’un marché en mutation.
Un message pour les futures entrepreneures
Clémence refuse que la question du genre soit un frein : « Au travail, il faudrait réfléchir comme si nous étions non-genrés, ça serait tellement plus simple ! » Elle insiste : « Il ne faut pas hésiter à se lancer si l’envie et l’énergie sont là. » Valentine, de son côté, rassure : « Devenir entrepreneur n’est pas insurmontable. Il faut se donner les moyens d’atteindre son objectif, se former et s’appuyer sur les accompagnements disponibles. »
À ceux qui hésitent à se lancer, je dirais que cette formation est exigeante mais très bien construite. Elle apporte des repères clairs, des protocoles concrets et une logique d’intervention qui fait ses preuves sur le terrain. C’est une vraie valeur ajoutée pour qui veut intervenir avec précision et impact.

